Ils avaient pesé des rois.
Ils avaient tranché des âmes,
Sur la balance d’Anubis, sur la table de Minos,
Et leurs verdicts guidaient les mondes.
Mais quand Darkam franchit la dernière arche,
Ni Charon, ni chien, ni chaîne ne suffirent à l’arrêter.
Il n’avait pas besoin de rame : son pas fendait les eaux.
Il n’avait pas besoin de guide : l’ombre elle-même s’écartait.
On lui offrit un trône d’attente. Il resta debout.
Les juges regardèrent sa taille.
Puis ses yeux.
Et c’est là qu’ils frémirent.
« Tu viens seul, sans offrande ni excuse ? »
dit Rhadamanthe, voix d’éternité.
Et Darkam répondit, sans hausser le ton :
« Je viens avec le poids de ce que j’ai choisi de ne pas briser. »
Les spectres se penchèrent.
Dans l’ombre, des héros tombés dressèrent l’oreille.
Achille suspendit son errance.
Léonidas leva la tête.
Alors Minos parla, grave et lent :
« Tu n’as ni prière ni culte. Qui parlera pour toi ? »
Et du silence surgirent mille voix.
Voix de peuples oubliés.
Voix de villes non rasées.
Voix de ponts épargnés, d’arbres laissés debout,
De pas contenus au bord du massacre.
« Je ne réclame pas la vie, » dit Darkam.
« Mais si le monde brûle,
Et qu’un pied peut encore protéger —
Alors le pas qui pèse doit revenir. »
Un silence plus ancien que le Styx tomba.
Puis les juges, d’un seul geste, inclinèrent la tête.
Et pour la première fois dans l’histoire du royaume des morts,
Une empreinte remonta la pente des enfers.