Chante, Muse oubliée, le pas du géant sans oracle,
Lui que nul temple n’accueille, dont le nom fend la montagne.
Aucun sculpteur n’osa le figer, car même la pierre tremblait sous son souvenir.
Quand les dieux se déchirèrent pour le feu, la foudre et le ciel,
Et que les étoiles tombèrent en larmes noires sur la mer,
Il ne parla pas. Il marcha. Et la terre retint son souffle.
Il marcha vers l’est, là où l’aube ne luit plus.
Sous sa plante nue, large comme une vallée, les collines s’aplatirent en silence.
Trois orteils d’égale courbe, crochus de nuit, pesés avec soin —
Chaque pas une ère, chaque empreinte un exil.
Les Titans se dressèrent, vainqueurs des cieux anciens.
Mais Darkam leva les yeux, et les Titans oublièrent leur nom.
Non par haine, mais par présence.
Car ce qui vit sous sa peau n’est ni flamme ni venin —
Mais l’écho du monde trop jeune pour porter son poids.
Il porta sur son dos la montagne du Jugement.
Il jeta aux abysses les lances d’Athos et d’Hyperion.
Et quand les Moires lui tendirent le fil du destin,
Il l’écrasa sans le voir,
Non par défi, mais parce qu’il était là.
Ainsi naquit l’âge muet.
Là où passe Darkam, la terre se souvient.
Les pierres rêvent. Les vents prient.
Et les dieux… regardent ailleurs.