Dans l’archipel oublié de Myrion, au cœur de la mer Égée, il existait une île que même les dieux redoutaient : l’Île aux Larmes. Couverte de brume, peuplée d’esprits échoués, elle pleurait nuit et jour des larmes qui prenaient la forme d’un lac sombre, au goût de cendre et de chagrin.
C’est là que Darkam fut appelé.
Un oracle, possédé par le feu d’Héphaïstos, l’avait vu dans une vision : un géant aux pieds de cuir brûlé, aux yeux rouges comme les forges du Tartare, devait poser le pied nu sur l’île et briser le cycle de douleur.
Darkam, sans un mot, s’arracha des montagnes du nord et traversa le monde. À son approche, les eaux se turent, les vents se figèrent, et les mortels priaient sans oser le regarder. Lorsqu’il parvint enfin au rivage de l’Île aux Larmes, la terre elle-même gémit sous son pas.
Il posa un premier pied immense sur le sable noir, ses trois orteils griffus s’enfonçant dans la cendre humide. Son empreinte resta, incandescente.
Le ciel tonna.
Les spectres surgirent, gémissants, tourbillons pâles arrachés au passé : des enfants noyés, des guerriers trahis, des reines oubliées. Ils tournoyaient autour de lui, cherchant à l’abattre, à le faire tomber dans l’oubli comme eux.
Mais Darkam n’était pas venu pour se battre. Il s’agenouilla au centre du lac. Son armure craqua sous l’effort, révélant le triangle bleu mystique qui brillait sur sa poitrine. Il planta ses deux poings dans la boue et prononça en langue ancienne le Serment du Porte-Chagrin :
« Que mon dos porte vos fardeaux, que mes pas vous ancrent à la terre. Je suis Darkam, l’oublié, le géant sans prière. Vous n’êtes plus seuls. »
Le triangle lumineux dans son dos s’embrasa, illuminant l’île comme un deuxième soleil. Un par un, les esprits trouvèrent enfin le repos, s’évaporant en poussière d’or.
Quand il repartit, Darkam ne laissa qu’un lac calme derrière lui — et une île silencieuse, enfin sèche de ses larmes.